samedi, octobre 07, 2006

La naissante pratique démocratique en Egypte, la révolte des juges

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Mohamed Abdel AZIM

Depuis avril 2006, le régime en Egypte se heurte de nouveau à des protestations menées par des magistrats. Soulignons que depuis le début des années 90, les juges ont exigé, par la voix de leur association officielle, l'indépendance de la justice par rapport au pouvoir exécutif.
En 2000, la Cour suprême constitutionnelle a jugé que toute élection devrait être tenue, conformément à la constitution égyptienne, sous les auspices du pouvoir judiciaire. Dans un rapport rendu public en juillet 2005, les juges ont remis en question les résultats des élections, affirmant que les mécanismes de supervision par les instances judiciaires n'avaient pas été mis en place de façon efficace.


Deux juges, Hicham el-Bastawissi et Mahmoud Mekki , sont alors accusés d'avoir porté atteinte à la justice pour avoir affirmé que d'autres magistrats, favorables au pouvoir, avaient participé au trucage de scrutins qu'ils supervisaient, lors des législatives et de la première présidentielle multipartite dans le pays en 2005.
Ces deux vice-présidents de la cour de cassation égyptienne sont introduits devant la justice et des manifestations presque hebdomadaires sont organisées en soutien à l'action entamée par les magistrats.

Les services de la police anti-émeutes sont de nouveaux mobilisés et la répression revient, mettant fin à l'accalmie survenue durant la présence des caméras du monde entier pour couvrir la campagne électorale. Le 11 mai 2006, la situation prend un tour particulièrement violent : des dizaines de manifestants sont passés à tabac, des centaines d'autres emprisonnés, plusieurs journalistes sont agressés. Les ةtats-Unis et l'Union européenne dénoncent alors une “répression disproportionnée”.

La presse de l’opposition, de son côté, met l'accent sur la violation des droits de l'homme. Des photos de la police habillée en civil battant des femmes ou des jeunes manifestants, font leurs apparition sur Internet. Des cas de viol sont alors répertoriés et amenés devant la justice. L'affaire des juges prend une allure de confrontation sérieuse et met le pays devant une question de choix. Ce que beaucoup qualifient comme “une révolte de juges”, est vécue par les magistrats comme un défi à remporter.

Les juges sont ainsi vus par les ةgyptiens comme des héros porteurs d’espoirs d’un vent de démocratie. Ils sont devenus en quelques semaines un symbole d’espoir. Ces garants de la justice se voient désignés comme les futurs gardiens d’un possible futur démocratique, s'ils arrivaient à remporter ce défi seuls devant Moubarak et son héritier. La grogne se généralise et la presse gouvernementale commence à son tour à passer le cap.

« Adieu donc aux réformes», écrit le politologue Mohammed al-Sayed Saïd, dans le journal gouvernemental Al-Ahram du 18 mai 2006. La « crise des juges », écrit-il, « a discrédité un régime dont la politique répressive, illustrée par la prolongation, le mois dernier, de l'état d'urgence en vigueur depuis 1981, n'a mis fin ni au terrorisme, ni aux affrontements interconfessionnels, illustrations de la déliquescence de la société égyptienne. » écrit Saïd. « Cela signifie que la philosophie politique de Moubarak, appliquée pendant un quart de siècle, n'a pas porté ses fruits. L'ةgypte est revenue à la case départ, c'est-à-dire aux grands défis qu'elle affronte depuis le milieu des années 70 . » (2)

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1. Mahmud Mekki, Hisham Bastawisi, “When judges are beaten, Democracy in Egypt must grow from the streets, not be imposed by western self-interest”, The Guardian, 10 mai 2006.
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/story/0,,1771473,00.html
2. Tangi Salaum, “ةgypte : deux juges défient Moubarak”, Le figaro, 19 mai 2006.

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