mercredi, janvier 31, 2007

Le bâton américain hésite à frapper l’Iran

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Le bâton américain hésite à frapper l’Iran

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Written by Mohamed Abdel Azim
Wednesday, 10 January 2007


ImageEDITO - Classé parmi les pays de l’axe du mal par George Bush, l’Iran n’a plus de relations diplomatiques avec les Etats-Unis depuis l’opération de la prise d’otages à l’Ambassade américaine de Téhéran en 1979. L’Europe joue un rôle actif dans la gestion du dossier nucléaire iranien sans vraiment pouvoir mettre fin aux ambitions du président Ahmadinejad, qui se montre “non-dissuadable’’ par la machine de guerre américaine.

Le bâton américain, après Kabul et Bagdad, hésite à déclencher un troisième front de guerre contre le voisin iranien. On parle alors d’un plan d’attaque israélien contre les installations iraniennes d'enrichissement de l'uranium. Ces frappes aériennes utiliseraient l'arme nucléaire tactique, affirme le Sunday Times du 7 janvier 2006.

Une opération militaire contre Téhéran signifie que la diplomatie extérieure européenne a encore échoué dans sa tentative de jouer un rôle majeur dans un cas concret de Crisis Resolution. Faisant pression sur l’Europe afin d’initier une résolution contre Téhéran, les Etats-Unis n'ont toutefois pas renoncé à attaquer l'Iran et les faucons de l'administration Bush sont toujours prêts à le faire, quitte à se passer de l'approbation du Congrès désormais dominé par les démocrates. C’est ce qu’affirme le journaliste américain Seymour Hersh, célèbre pour ses enquêtes, dans un article dans le magazine The New Yorker, (17 avril 2006).

La menace de frappes préventives contre Téhéran n’est pas une nouveauté. En effet, durant l’été 2002, et avant que le monde ne découvre le plan de guerre contre l’Irak, la question de mener des attaques préventives contre Téhéran se trouve parmi les options de Tel-Aviv et de Washington. En 2003, le ministre israélien de la Défense Shaoul Mofaz, -d'origine iranienne-, cité par le quotidien Haaretz, déclare le 21 décembre 2003, qu’« Israël pourrait, en cas de nécessité, attaquer les sites nucléaires de l'Iran ». En février 2005, le commandant de l'armée de l'air israélienne, le général Eliezer Shkedi, affirme que « son pays devrait être prêt à lancer une attaque aérienne contre les installations nucléaires iraniennes » sans préciser si Israël est en mesure de mener seul une telle attaque, comme cela avait été le cas en 1981, lorsque l'aviation israélienne avait détruit la centrale nucléaire Osirak, près de Bagdad. Cette opération ordonnée par Begin contre laquelle l’actuel vice Premier ministre Shimon Pérès s’opposait, donne la leçon aux Iraniens qui construisirent depuis leurs installations dans des sites souterrains.

De ce point de vue une attaque des installations nucléaires iraniennes représente une corvée militaire et reste un problème difficile à exécuter car elle demande une logistique très complexe pour l’aviation en profondeur sur le sol iranien. Cette complexité logistique, militaire et notamment politique représente un dilemme insoluble de telle sorte qu’elle dissuade à la fois les Israéliens et les Américains.

Washington, qui s’est engagé dans une laborieuse stabilisation de l'Irak, et qui manque de renseignements sur les emplacements exacts des tunnels ou des sites sensibles, dément régulièrement envisager une possible opération militaire contre l'Iran. L'administration Bush hésite à définir une stratégie résolue d'appui à un changement de régime en Iran, que de nombreux experts américains jugent hasardeuse. La situation géographique de l'Iran, qui le place entre deux pays où Washington est fortement engagé, l'Irak et l'Afghanistan, n'aide pas à définir une stratégie américaine tranchée. Toute attaque contre ce pays conduirait « très probablement » à aggraver la situation en Irak.

L'Iran de son côté menace de frapper le réacteur nucléaire israélien de Dimona si l'État hébreu s'avise de lancer une attaque contre la centrale iranienne de Bouchehr. Le commandant des Gardiens de la Révolution, fer de lance du régime islamique prévient : « Israël tire un seul missile contre la centrale nucléaire de Bouchehr, et il peut oublier à jamais le centre nucléaire de Dimona, où il produit et garde ses armes atomiques, et c'est Israël qui sera responsable des conséquences terrifiantes de tels actes ».

Téhéran, sans tirer une seule balle, a vu la chute de deux adversaires de taille (les Talibans et Saddam) par une implication américaine. Les difficultés de Washington dans les deux cas renforce la position iranienne dans le Golfe. L'administration américaine va continuer d'être prudente au sujet d'une éventuelle action unilatérale contre l'Iran, car il y a trop de choses non réglées en jeu en Irak et en Afghanistan et le but de Washington est de préserver la suprématie américaine face à la Russie et à la Chine ou encore face à l’Union Européenne.

Le manque de clarté dans les objectifs de la guerre et de l’invasion de l’Irak, la gestion du dossier nord-coréen par l’hésitation de Washington entre 2002 et 2006, donne de l’élasticité décisionnelle sur laquelle compte le régime de Téhéran. Le brouillard de la guerre en Irak ne clarifie en rien la façon dont Washington entend orienter la politique dans cette région. Le Fog of War, soulève une fissure triangulaire entre Washington, Pékin et Moscou, visible suite à l’essai nucléaire nord-coréen. Cette fissure laisse se dessiner un blocage systémique dans la gestion du dossier iranien.
Washington qui songe alors à une action forte pour faire rentrer les fauves chiites dans leur rang, se trouve face à des Iraniens qui se montrent non-dissuadables et semblent même rechercher la provocation afin de clarifier le jeu de positionnement au sein du nouvel environnement vide depuis la chute des Talibans et de Saddam et qui leur ouvre l’espoir de rivaliser avec Israël et l’Inde.

En l’absence d’un rôle clé de l’Union Européenne, le brouillard de la guerre (Fog of War) se montre plus présent que jamais auparavant. Soulevé avant la guerre contre l’Irak, ce Fog n’a fait qu’aboutir à des inerties internationales menant au chaos général en Irak. Une autre erreur aboutira inévitablement au chaos généralisé dans la région avec des conséquences incalculables. Si c’était le cas ce serait le scénario de l’échec de la dissuasion dessiné par le Think Tank américain et qui ne trouve pas d’autre moyens de faire la politique que par la prévention au travers les attaques dites préventives. Washington peut-il encore songer à utiliser ou laisser Israël seul faire usage des armes nucléaires ? Ce serait encore les Etats-Unis qui arriveraient toujours à appuyer sur la gâchette nucléaire. Vu de l’Europe ce serait Thinking about the unthinkable.

Mohamed Abdel Azim*
Lyon (France)

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*Mohamed Abdel Azim est docteur en Science politique. Journaliste à EuroNews, il est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la ace cachée de la politique américaine, Paris l’Harmattan, 2006.

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