mercredi, janvier 31, 2007

NewRopeans Magazine

Le monde arabe est une chance pour l’Europe

Par Mohamed Abdel Azim*

Le monde arabe vit actuellement l’une des périodes les plus difficiles de son histoire. Les raisons sont multiples et les poches de conflits prolifèrent. Ce monde vit, depuis des décennies, au rythme de conflits successifs et son sort politique a longtemps été lié aux orientations des différentes puissances mondiales.

Depuis que ce monde essaie de se définir, il est à la recherche de son modèle politique. Ses orientations actuelles ne sont plus en phase avec son histoire. Le monde arabe vit un clivage entre sa société et ses dirigeants politiques. Non élus démocratiquement, ces régimes sont à l’origine du malaise dans lequel se trouve ce monde. Depuis les années 50, qui marquent le début de son indépendance par rapport aux puissances coloniales, ce monde n’a jamais vécu une seule expérience démocratique. Ce constat donne lieu à l’image du chaos social et politique dans lequel se trouve certains pays arabe.

Sous occupation depuis plusieurs siècles déjà, le sort historique du monde arabe passe, de l’extension qui l’amène vers l’Europe, au confinement avant de se trouver sous la main des Turcs Ottomans puis des Britanniques ou des Français … D’abord, l’occupation turque affaiblit intellectuellement, politiquement et socialement le monde arabe et à la fin de l’empire Ottoman, ce monde se retrouve sous mandat britannique ou français, ce qui l’affaiblit encore davantage.

Depuis son indépendance à l’égard des anciennes puissances coloniales, le sort de ce monde se trouve entre les mains de régimes totalitaires tout en restant dépendant sur le plan économique des grandes puissances occidentales. Le monde arabe est confronté à la pratique de l’oppression dans un climat d’absence de culture, de débats et de pluralisme politique. Il y a alors trois éléments majeurs à prendre en compte.

1/ D’abord l’organisation politique de ce monde colonisé et son rapport avec l’Occident colonial avant la Deuxième Guerre mondiale. 2/ Puis, le rapport de ce même monde arabe, indépendant cette fois, qui a depuis dû faire face à de graves crises rythmées par des conflits armés contre Israël. De plus la longévité symptomatique des régimes n’a pas aidé à l’émergence d’autres courants ou partis politiques qui pouvaient contrebalancer les décisions prises. 3/ Enfin, en raison de l’absence de pluralisme politique dans les pays arabes et du manque de considérations politiques ou de dialogue de la part de l’Occident concernant la question palestinienne, les occidentaux ont dû faire face à des décisions hâtives, non étudiées voire catastrophiques.

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la peur d'une unité arabe avait été vécue en Occident comme un problème majeur qui pouvait menacer les pays européens. On assiste alors à deux étapes importantes. D’abord l’introduction de la notion étatique dans un monde morcelé depuis longtemps ; les frontières du monde arabe sont alors dessinées sans tenir compte des particularités sociales et ethniques de chaque zone. Puis, dans ses rapports avec le monde arabe, l’Occident bâtit sa conception relationnelle sur une idée erronée, selon laquelle ce monde ne peut prendre que des décisions catastrophiques et non structurées

Ces constats donnent lieu à des craintes qui se trouvent motivées essentiellement par des raisons d’ordre économique visant à préserver les intérêts des pays européens dans les différents Etats du Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Sur le plan politique, durant les années 50, les anciennes puissances coloniales sont alors confrontées à la montée en puissance de mouvements d’indépendance (comme ce fut le cas en Egypte à l’égard de la Grande-Bretagne et en Algérie à l’égard de la France). Lorsque le président égyptien Nasser nationalise le canal de Suez en 1956, les intérêts économiques de la France et de la Grande Bretagne sont menacés et frappés de plein fouet par cette nationalisation. Le panarabisme qui accompagne la volonté de l’indépendance initiée par Nasser, et qui s’exporte en Algérie, pousse Londres et Paris à planifier une guerre. Cette guerre qui vise à faire plier Nasser est déclenchée par Tel-Aviv et se termine sur deux fronts de défaite : une défaite militaire du côté égyptien et une défaite politique du côté de Tel-Aviv, de Paris et de Londres. Washington ordonne le retrait de Tsahal du Sinaï et à la sortie de cette guerre, les puissances coloniales cèdent leurs places aux deux nouvelles puissances américaine et soviétique.

Depuis plusieurs décennies, et à partir des années 80, il y a eu peu à peu une montée des mouvements intégristes dans le monde arabe. Cette vague commence en Egypte et s’exporte par la suite en Algérie. La continuité de cet intégrisme touche par la suite le Soudan et une majeure partie du monde arabe. Le durcissement s’accroît et aboutit à la création du groupe Al-Qaïda qui, au début de ce millénaire, attaque le World Trade Center en 2001, provoquant l’intervention américaine en Afghanistan à la fin 2001, et en Iraq deux ans après. Depuis, il y a, en Occident, un amalgame entre le monde arabe et le terrorisme, amalgame dû au fait que ces groupes de terroristes sont issues du monde arabe.

Ces deux scénarios, celui des années 50 et celui du début du troisième millénaire, sont à l’origine de la peur actuelle à la fois en Europe et aux Etats-Unis à l’égard de tout ce qui se rapporte au monde arabe. D’autre part, cette peur devient un outil et remplit une fonction à vocation d’usage externe. Les régimes arabes, comme c’est le cas du pouvoir égyptien visent à dissuader l’Occident et notamment Washington par la peur. La logique est basée sur le constat de rationalité. Un choix rationnel, de la part de l’Occident, tend à favoriser toute autre formation politique se situant loin des formations religieuses telles que les Frères musulmans.

Or dans le monde arabe, en écrasant toute forme d’opposition, les régimes uniques ont laissé des portes entrouvertes aux mouvements à base religieuses. Laissant ainsi planer la peur de l’alternative politique en les plaçant comme les seuls choix sur la scène politique. Nous ne pouvons pas parler d'une opposition politique dans les pays arabes. Conséquence de l’absence d’une réel pluralisme politique , cette opposition est manquante voire quasi inexistante. On oublie le plus souvent que l’oppression pratiquée par ces régimes élimine toute forme d’opposition. Or, ce monde pourrait représenter une chance, à la fois économique et politique, pour ses voisins Européens. Pour des raisons historiques nous avons laissé de côté le développement démocratique dans le monde arabe. Cet écartement fait de la société un terrain propice au durcissement. Le manque d’une pratique de débat anéantit le réflexe de ces sociétés. L’Europe peut aider à la renaissance de la vie d’une culture politique pluraliste au sein de l’autre rive de la Méditerranéenne.

* Mohamed Abdel Azim est docteur en Science politique. Journaliste à EuroNews, il est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine, Paris, l’Harmattan, 2006.

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